Match nul : Zemmour et Le Pen à égalité dans le dernier sondage, et les commentateurs estiment que les deux candidats ont pareillement réussi leur grand rassemblement d'hier.
Je trouve cette unanimité un rien forcée. Le meeting de Lille fut objectivement une grande réussite - je laisse ici de côté les critiques sur le fond - qui doit beaucoup aux talents d'orateurs de Zemmour. Il s'est surpassé, il faut le reconnaître, et prouve qu'il a su donner une nouvelle dimension à sa posture d'homme public. Son audience est portée par une vague d'enthousiasme que l'on chercherait en vain auprès des partis concurrents. L'exaltation débridée autour du candidat où s'exprime, contre toute attente, une certaine jeunesse, donne raison à ceux qui ont cru en lui quand tout le monde se moquait d'un béjaune promis à être croqué tout cru. Habilement, il annonce reprendre aussi bien des mesures de Macron que de Sarkozy, du moment que ces mesures lui paraissent bénéfiques, et fait ainsi montre d'une liberté dont ne jouissent pas ses adversaires engoncés dans les lourdeurs de leurs appareils.
Ce que donne à voir le RN est moins convaincant. Quand Marine Le Pen parle du danger islamiste, le malheur est que tout le monde pense à Zemmour. Il n'y a pas si longtemps, la consigne au sein de ce parti était de ne pas utiliser l'expression "Grand Remplacement". Alors, quand le sujet revient à la Une, dans les suites du reportage de M6, le RN déplore les quartiers perdus de Roubaix en des termes moins forts que ceux du candidat de Reconquête, "dédiabolisation" oblige. Cette course après une authenticité enfuie, et désormais suspecte, a quelque chose de gênant. Et puis, on ne peut s'empêcher de trouver laborieuses les attitudes, les expressions, la façon d'être de la candidate. Ce sont les mêmes extérieurs qui l'avaient desservie contre Macron et aucune remise en cause ne paraît avoir été faite depuis un lustre. Bien entendu, le finale d'hier, en hors piste, dans lequel Marine Le Pen descendit de son pupitre pour parler à cœur ouvert de sa famille, de ses blessures, a ravi les journalistes. D'autres, dont je fais partie, n'y ont vu que volonté, un peu navrante, de faire pleurer dans les chaumières - car, enfin, ce genre de détails n'a rien à faire dans une campagne présidentielle, et je me garde de ceux qui espèrent séduire à l'aide d'histoires privées.
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