Bizarre rassemblement de Zemmour au pied du Mont-Saint-Michel. Le public apparaît parsemé. 300 participants, se moquent les détracteurs. 2 000, rétorquent les organisateurs. Il est vrai que le discours a été annoncé tardivement, et que l'horaire a été avancé au tout début de l'après-midi pour éviter les coups de vent. L'image aussi est bizarre. La figure du Mont apparaît barrée par la croix oblique des filins qui assurent la sécurité d'une estrade bien vilaine. Cette laideur ne s'accorde guère avec la splendeur du panorama. Au moins l'installation disparaîtra avec le départ des organisateurs, contrairement aux éoliennes disséminées sur le territoire.
Zemmour commence à vanter la beauté légendaire de "ce château de fées planté dans la mer". La citation de Maupassant tombe à pic, mais ne rachète pas l'abominable bande-son indéfectiblement attachée, semble-t-il, aux apparitions publiques du chef de Reconquête.
"Précisons tout de suite que Saint-Michel n'est pas n'importe quel saint, précise-t-il. Présent dans l'Ancien Testament comme dans le Nouveau, il est le chef de l'armée céleste, c'est-à-dire l'ange qui dirige l'armée des anges contre celle des démons dans le combat éternel que se livrent le bien et le mal depuis des millénaires."
Pour gagner ce combat éternel, l'archange Zemmour promet de redonner sa puissance et son indépendance à la France. Il restaurera une armée digne de ce nom (100 000 hommes en 2027, 300 avions de chasse en 2040, un second porte-avions, vingt frégates et huit sous-marins d'attaque) et misera sur le nucléaire. Le financement ? Certainement pas un problème, quand aujourd'hui on est capable de signer "des chèques cadeaux d'aide au développement de 140 millions d'euros à la Chine" (huées de la foule). Ce n'est pas tout : "chaque année la France verse 13 milliards 600 millions d'aides publiques au développement. 13 milliards 600 millions d'euros ! Et pourquoi ? Pour stabiliser les pays concernés et éviter que leurs ressortissants n'émigrent chez nous. Si seulement..." (au lieu de finir sa phrase, il laisse tomber un petit rire).
Comme Saint-Michel pourchassant Satan pour lui jeter enfin "dans le dos un coup de pied furieux" (Maupassant, toujours), Zemmour traque Macron et lui délivre une avoinée verbale. "En 2017, la France a élu le néant et elle est tombée dedans", vitupère le nouveau finaliste virtuel. "Voyez l'attitude de Macron dans l'affaire des sous-marins !" Il s'est fait "rouler dans la farine", et "l'humiliation" qu'il a subie rejaillit sur chaque Français. Derrière le portrait d'un droit-de-l'hommiste bon à se faire valoir à l'étranger, et que ses interlocuteurs traitent avec le sourire pour mieux le trahir, se dessinent les éléments du grand combat que Zemmour entend mener dans l'entre-deux tours - peut-être pas pour la victoire, mais pour la postérité et l'amour de la France.
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