Zemmour appelle à voter Le Pen au second tour. C'est, je crois, le seul qui ait fait ce choix, assumant les erreurs qui ont fait échouer son projet. Le geste est valeureux mais convenu, voire suspect de la part d'un homme si fier de ne jamais regretter quoi que ce soit. Ce manque d'humilité ne l'a pas servi. Le petit sourire goguenard qui avait pris l'habitude d'apparaître sur son visage lors des débats porta haut le symbole de cet orgueil : moi je sais, semblait-il dire, mieux que vous tous ; j'ai lu plus de livres que vous, et depuis plus longtemps ; j'ai mieux étudié la situation et mon analyse est imparable, car je viens nanti de ma longue expérience de la scène politique. Ce petit sourire était celui d'un fort en thème assuré de sa victoire. Comment échouer quand on maîtrise les codes et que l'on a pénétré comme personne l'inconscient d'une France qui ne voulait pas mourir ?
Vaines tartarinades. À présent que le premier tour est achevé, souvenons-nous de ses multiples déclarations sur les sondages. Achetés, poussifs, incapables de prendre la mesure d'un vote caché. Tout cela a volé en éclat. Aucun vote caché n'est venu soutenir Zemmour comme aurait dû le faire pour l'Empereur Grouchy à Waterloo. Je reprends une estimation du 8 avril : elle donne parfaitement l'ordre d'arrivée des douze candidats - sauf, peut-être, les deux derniers, leurs scores étant si infinitésimaux que cela n'a pas la moindre espèce d'importance. Les niveaux ne sont pas les mêmes (Mélenchon plus haut, Zemmour plus bas que prévu), mais l'ordre est impeccable. La faiblesse de Zemmour analyste apparaît en pleine lumière. À quoi cela sert-il d'avancer une expérience de plusieurs lustres si c'est pour en tirer des considérations parfaitement fausses ? Ce genre d'extravagances est, on l'a déjà noté, un sérieux défaut dans la cuirasse zemmourienne. Vous qui cherchez une des raisons de la chute finale, considérez celle-là.
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Je n'ai même pas l'excuse d'un pari téméraire pris un soir de beuverie pour expliquer pourquoi, fin août 2021, je pris la décision d'écrire un article par jour sur Zemmour. J'avais le sentiment que le personnage, alors chroniqueur de renom, allait marquer la joute électorale à venir. En effet, il l'a marquée, et le fiasco final ne saurait faire oublier que pendant quelques mois le grand remplacement et la lutte contre un certain islam donnèrent le la des débats.
Durant ces sept mois, et un peu plus encore, de labeur quotidien, j'ai eu deux espoirs, et deux craintes. J'espérais être lu. J'espérais aussi ne pas l'être trop, afin de ne pas convoquer en ces pages des fanatiques de la politique. Car si ma première crainte était d'exciter une meute pro-Zemmour, ma seconde était de me faire pourrir l'existence numérique par une cohorte d'opposants au candidat. Google, ou Dieu le père, c'est à peu près pareil, ont bien fait les choses. Ces pages étant restées confidentielles par la magie de la non-indexation par les moteurs de recherche, je n'eus guère de lecteurs, si ce n'est quelques égarés tombés par hasard en ces lieux et aussitôt repartis. Qu'importe. La persistance de ces lignes dans les tréfonds de la toile témoignera peut-être par-delà les âges de l'effort d'un simple Français pour commenter le parcours d'un homme qui, on le croit, n'a pas dit son dernier mot.
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