Les enquêtes d'opinion soulignent volontiers les aspects cassants et antipathiques de Zemmour. Pour balancer ce handicap, l'homme laisse s'exprimer sa verve naturelle. Ainsi se manifeste cette complicité par endroit espiègle qu'il aime nouer avec ses interlocuteurs. "Je ne suis pas un politicien", rappelle-t-il à qui veut l'entendre. Il ne comporte donc pas en "politicien", comme il dit, n'ayant aucun scrupule au passage à user d'un anglicisme fort désagréable. Hier sur BFM ce fut un festival de papouilles spirituelles, une ribambelle de ces "strokes positifs" dont les séminaires d'entreprise, où s'exerçaient des gourous comportementalistes imbibés d'ondes positives et d'analyse transactionnelle, étaient autrefois friands.
On peut penser - tel est mon avis - que Zemmour est quelqu'un d'assez chaleureux, à la fois taquin et savant, ce mélange typique d'une certaine classe intellectuelle, et que j'aime à croire assez française. Le sang de Rabelais irrigue nos cervelles. Je veux croire aussi que sa franchise le dessert, d'où la volonté d'accentuer son côté "humain". Mais là, c'est un peu trop, le mec est too much, les petites blagues avec l'animateur Bruce Toussaint, les compliments à ses contradicteurs, non, cette empathie fortement dosée avait quelque chose de toxique. Elle porte en elle le risque d'écorner cette image de président si difficile à forger. Qui voudrait d'un élu suprême dispensant boutades et clins d'œil virtuels à son assistance, tout en professant la plus grande rigueur dans ses prises de position ? L'exercice n'est pas simple, cela va sans dire, mais à ce jeu-là le meilleur reste le président en exercice.
Laissons cela de côté. Dans l'émission "La France dans les yeux", Zemmour a été bon. De l'aplomb, des références et des chiffres, sans recours à la moindre note. Des opposants parfois agressifs qu'il a à peu près pu contenir - à peu près, car l'intervention d'une certaine "Zina", présentée comme une habitante d'Aubervilliers, a tourné au vinaigre. "Quand je prends le métro à 22h ou 23h je ne me fais pas agresser", nous assura ce chantre du vivre-ensemble, en ajoutant aussitôt : "évidemment, je suis prudente". Tout est dans le "évidemment". Zemmour n'a pas repris de volée, se contenant de sourire. Il aurait peut-être dû mieux relever cet aveu car la fin de la discussion emprunta un ton qui ne fit rien pour la glorieuse tradition de la disputatio. Le candidat avait tout à perdre à entrer dans la querelle animée qui s'ensuivit.
La dame en question, apprenons-nous ce matin, est la présidente d'une association vouée au multiculturalisme, et se serait présentée sous un prénom légèrement modifié. Pourquoi ? On ne sait pas. Mais on sait que BFM n'a pas grandi sa réputation en présentant comme une citoyenne lambda celle qui milite pour une cause radicalement opposée à celle de Zemmour. Quelques années auparavant, un traquenard du même ordre avait été tendu à Alain Finkielkraut, sur France 2 si ma mémoire ne me trahit pas.
L'Équipe : Élisabeth Moreno, ministre déléguée à l'Égalité femmes-hommes, soutient les Hijabeuses (lien) |
Les "Hijabeuses" (Dieu, que c'est laid) sont des jeunes femmes qui veulent jouer au football avec le voile. Cette chose que l'on croirait inacceptable sous nos latitudes est pourtant soutenue par la ministre Élisabeth Moreno, lit-on dans L'Équipe, précisant que cette position ne serait pas celle du gouvernement. Du reste, M. Macron n'avait-il pas affirmé que le voile était contraire à la civilité, dans notre pays ? À moins que cette position ait depuis été abrogée, tant il est délicat de suivre les méandres de la position officielle.
Une telle cacophonie sur un sujet si sensible laisse coi. Pas Zemmour : "Dans de nombreux pays, des femmes se battent pour pratiquer leur sport librement. En France, le gouvernement voudrait faire passer le voile islamique pour une liberté. Dans les stades comme dans les rues, je l’interdirai !"
"Évidemment", dirait Zina.
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