"Pour chaque nouvel enfant né dans une famille de la France rurale, nous mettrons en place une bourse de naissance de 10 000 euros", promet Zemmour à Chaumont-sur-Tharonne, dans le Loir-et-Cher (La Provence).
D'où viendrait l'argent ? De l'arrêt des vains financements de la politique de la ville, des aides sociales aux étrangers, de la lutte contre les fraudes sociales. Et à quoi serviraient ces 10 000 euros ? Aux frais de transport, à l'aménagement du logement ou des activités extrascolaires, et "aux frais de nounou".
Des nounous, j'en reste baba. Voilà qu'il se met à parler comme Pécresse. Charles de Gaulle aurait-il parlé de nounous ? Et Chateaubriand ? J'ai comme l'impression qu'il nounous prend pour des gogos. L'idée est claire et se veut généreuse, mais on ne fait pas de politique efficace avec des bons sentiments. Ce machin administratif ajoutera une couche à un mille-feuille déjà indigeste, lestera nos finances publiques d'un nouveau boulet, comme si nous n'étions pas déjà entraînés vers les abysses du déficit. Ah, le charme morbide de l'ivresse des profondeurs ! On imagine déjà les passe-droits en tout genre, les fraudes qu'il faudra non seulement combattre, avec les coûts que cela induit, mais aussi compenser, les bisbilles stupides qui apparaîtront aux frontières entre la France rurale et la France non-rurale, les chicanes à n'en plus finir entre celui qui y a droit et celui qui sera retoqué, les polémiques sur l'usage réel du pactole, qui risque fort de s'évaporer loin du "local", profiter à Amazon, Wish, ou financer quelque projet hors de nos frontières.
Cette mesure néo-soviétique est évidemment destinée à flatter les Français périphériques. Zemmour fait ses calculs et dénombre ses électeurs, les laissés pour compte, ceux du diesel et des déserts médicaux, les gilets jaunes et les "déplorables", pour reprendre la formule clintonienne. Il pense aux petits commerçants penchés sur leur livre de comptes. Cinq enfants de plus dans le village, c'est 50 000 euros injectés dans l'économie locale, l'assurance d'un meilleur confort, d'une retraite moins précaire. C'est le réveil des commerces de proximité meurtris par l'exode. Des places tristounettes renaîtront, rehaussée par un lustre nouveau qu'égayera le rire d'écoliers en uniformes impeccables.
Le symbole apparaît avec grande clarté. Les sommes gigantesques englouties au profit de "racailles à casquettes" seront détournées vers la France qui se meurt. La rivière argentée baignera le pays réel, celui de nos racines profondes, et la nation, dans ce qu'elle possède de plus authentique, recueillera enfin son dû. S'éveillant d'une marche au supplice de trois décennies, elle célèbrera alors, en héros berliozien, son retour à la vie.
Démagogie ? Allons donc, répond le camp du Z. Des sommes gigantesques sont aujourd'hui allouées à des causes perdues, sans profiter à ceux qui font la France. Il suffira d'en réaffecter une partie, et le tour est joué. C'est la situation actuelle qui est choquante, disent-ils, et non celle que nous vous proposons pour demain. Voire. Ce délire étatiste est sans aucun doute motivé par de nobles sentiments, il n'en demeure pas moins un délire étatiste. L'atout de Zemmour, heureusement pour lui, est que ses concurrents soient tout aussi incapables de nous faire entrevoir une baisse de ces prélèvements qui font de la France ce pays engourdi et pataud que personne n'envie.
Le mélodrame continue au Rassemblement National. Quelques défections de seconds, ou troisièmes, couteaux sont venues mettre encore plus de vague à l'âme du camp lepéniste. Même Nicolas Bay, figure assez connue, laisse entendre qu'il pourrait rallier Reconquête. Marine Le Pen s'emporte. Que "ceux qui veulent partir partent. Mais ils partent maintenant !" Et puis, cette dissimulation de leurs intentions, "c'est la taqiya qu'ils reprochent eux-mêmes aux islamistes".
Bruno Mégret, dont on n'entendait plus parler depuis l'époque des Guignols de l'Info, a choisi de soutenir Éric Zemmour pour "une victoire de la vraie droite". Je ne sache pas que ce personnage jouisse d'une grande ferveur dans l'opinion, et je doute que cette nouvelle apporte quoi que ce soit au crédit de Reconquête. Il n'en reste pas moins qu'un mouvement de fond semble bel et bien amorcé, et laisse présager une retentissante pagaille.
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