Accéder au contenu principal

31 mars 2022, J moins 10

Le nouveau dada à la mode pour faire trébucher Macron s'appelle McKinsey, un cabinet de conseil qui aurait travaillé gratuitement pour la présidence, et sans payer d'impôts. Zemmour l'enfourche avec entrain. Le chef de l'État aurait "utilisé une vingtaine de membres du cabinet McKinsey pendant sa campagne électorale de 2017." Bokassa de nos jours se prononce McKinsey. Là se trouve le diamant noir d'immémoriales légendes, dont le pouvoir est de redonner au dragon invincible l'enveloppe étroite du crapaud répugnant et inoffensif qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être, avant qu'il ne semât le désarroi dans la contrée.

L'affaire est grave, insiste Zemmour : "McKinsey est une société américaine, donc on lui transmet des informations (...) et on sait que le gouvernement américain n'a aucun scrupule à utiliser les données que possèdent les grandes sociétés américaines." Zemmour, tel l'auteur de La curée, formule son "J'accuse" : "J'accuse Emmanuel Macron d'être soumis aux Américains de façon vraiment scandaleuse."

Scandale épouvantable, ou simple manifestation de ce capitalisme de connivence qui empoisonne nos classes dirigeantes depuis si longtemps ? Je connais assez Zemmour, et ceux qui l'entourent, pour comprendre que les mots qu'il emploie visent à déclencher des réactions indignées. Une "société américaine" est déjà un motif accusatoire. Qu'importe ce qu'elle fait en vérité, ou ce qu'elle devrait faire, la question est ailleurs. Ces mots sont un chiffon rouge. Rien de neuf, cette logique était à l'œuvre au début du XXe siècle, et signe la même démission devant le cours de choses, aggravée ici par la dimension anti-yankee des récriminations. Zemmour n'est pas isolé, son combat se retrouve, à la virgule près, dans les milieux communistes ou apparentés : la veille alliance antilibérale se reforme sur le dos de la common decency. Le Delaware, désormais symbole du vampire échappant, par rouerie ou complicité, à nos chers impôts, est devenu l'État à abattre. Le contrefeu est voyant. L'actualité commanderait plutôt de regarder ailleurs à qui voudrait se prendre à ce jeu.

Zemmour sur le "scandale McKinsey"
Zemmour sur le "scandale McKinsey" (lien)

On veut bien que "populiste" ne soit pas une insulte, encore ne faudrait-il pas revendiquer cette posture pour attaquer avec tant de confusion un système qui mérite peut-être de l'être, mais avec raison et scrupules. Le travail des consultants américains (ou payés par des Américains) pourrait être accompli par des hauts fonctionnaires français, dit Zemmour. Dans ce cas, qui suppléerait alors à ces hauts fonctionnaires mandatés pour remplacer McKinsey ? Mieux : le sous-entendu est ravageur, puisqu'il exprime le fait que des agents grassement payés avec nos impôts puissent être réquisitionnés sur demande, ce qui explicite assez bien l'inutilité pour l'État d'en posséder à demeure. Que la force de travail offerte par une entreprise de conseil soit ponctuelle est la raison d'être de ce type de société. Il faut n'avoir jamais travaillé en entreprise pour s'en offusquer.

Les informations sur le paiement de l'impôt par cette société américaine du Delaware sont contradictoires, mais là encore, si l'on se souvient que l'impôt in fine est payé par le client, on ne voit pas les enjeux de cette querelle à somme nulle. Ou plutôt si : en présentant McKinsey comme le nouveau méchant loup (comme Goldman Sachs, comme Rothschild, comme...), on fait retentir dans l'opinion une petite musique à vous glacer les sangs.

Article de la veille    Article du lendemain

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

5 avril 2022, J moins 5

Viktor Orbán triomphalement réélu en Hongrie reçoit les félicitations du Kremlin et critique Volodymyr Zelinsky. On l'a déjà lu, certains commentateurs ou élus français évoquent ouvertement une cinquième colonne poutinienne dans l'Europe démocratique. Le dictateur aurait des relais un peu partout - en Hongrie, donc, en Allemagne, naturellement, et en France : avec Zemmour et Le Pen, il tiendrait deux fers au chaud pour préparer le monde d'après, délivré de l'insupportable tutelle atlantiste et augurant d'amicales coopérations avec la grande fédération de l'Est. Dans ce contexte, plusieurs voix s'étonnent de l'apparition soudaine, dans la dernière ligne droite, du drame qui endeuilla Bobigny, en février. Cette tragédie serait-elle instrumentalisée par des esprits retors et en mission pour l'étranger ? D'un autre côté, comment penser en taire l'horreur, qui soulignerait, si les faits sont avérés, à quel point nos cités sont imprégnées d'un...

11 avril 2022, le jour d'après

Zemmour appelle à voter Le Pen au second tour. C'est, je crois, le seul qui ait fait ce choix, assumant les erreurs qui ont fait échouer son projet. Le geste est valeureux mais convenu, voire suspect de la part d'un homme si fier de ne jamais regretter quoi que ce soit. Ce manque d'humilité ne l'a pas servi. Le petit sourire goguenard qui avait pris l'habitude d'apparaître sur son visage lors des débats porta haut le symbole de cet orgueil : moi je sais, semblait-il dire, mieux que vous tous ; j'ai lu plus de livres que vous, et depuis plus longtemps ; j'ai mieux étudié la situation et mon analyse est imparable, car je viens nanti de ma longue expérience de la scène politique. Ce petit sourire était celui d'un fort en thème assuré de sa victoire. Comment échouer quand on maîtrise les codes et que l'on a pénétré comme personne l'inconscient d'une France qui ne voulait pas mourir ? Vaines tartarinades. À présent que le premier tour est ache...

10 avril 2022, jour J

Sous le mot-clef #RadioLondres , des usagers de Twitter transmettent des messages codés sur l'avancement du vote et les tendances qui s'en dégagent. Fiable ? Visiblement non, le canal étant saturé par les mélenchonistes et les zemmouriens. Il s'agit d'une opération de propagande en temps réel, tirant à hue et à dia (à pou et à tine serait plus indiqué, dans les circonstances), mais d'où certaines vérités peuvent émerger, comme ce fut le cas lors de précédents scrutins. Midi J'apprends que la tortue est le mot de code pour Mélenchon. L'animal (la tortue, donc) serait très bien parti. L'olivier aussi, du reste - on reconnaît ici la version française du nom Zemmour, décliné sur les toutes les variantes du Z (Zorro, ou Zoro pour les mauvais scripteurs, à moins qu'il ne s'agisse d'adeptes pressés de Nietzsche, les z'abeilles, les z'émus, etc.) Rien à porter au bénéfice de Macron, affublé des sobriquets "le poudré" ou "le béb...