Le nouveau dada à la mode pour faire trébucher Macron s'appelle McKinsey, un cabinet de conseil qui aurait travaillé gratuitement pour la présidence, et sans payer d'impôts. Zemmour l'enfourche avec entrain. Le chef de l'État aurait "utilisé une vingtaine de membres du cabinet McKinsey pendant sa campagne électorale de 2017." Bokassa de nos jours se prononce McKinsey. Là se trouve le diamant noir d'immémoriales légendes, dont le pouvoir est de redonner au dragon invincible l'enveloppe étroite du crapaud répugnant et inoffensif qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être, avant qu'il ne semât le désarroi dans la contrée.
L'affaire est grave, insiste Zemmour : "McKinsey est une société américaine, donc on lui transmet des informations (...) et on sait que le gouvernement américain n'a aucun scrupule à utiliser les données que possèdent les grandes sociétés américaines." Zemmour, tel l'auteur de La curée, formule son "J'accuse" : "J'accuse Emmanuel Macron d'être soumis aux Américains de façon vraiment scandaleuse."
Scandale épouvantable, ou simple manifestation de ce capitalisme de connivence qui empoisonne nos classes dirigeantes depuis si longtemps ? Je connais assez Zemmour, et ceux qui l'entourent, pour comprendre que les mots qu'il emploie visent à déclencher des réactions indignées. Une "société américaine" est déjà un motif accusatoire. Qu'importe ce qu'elle fait en vérité, ou ce qu'elle devrait faire, la question est ailleurs. Ces mots sont un chiffon rouge. Rien de neuf, cette logique était à l'œuvre au début du XXe siècle, et signe la même démission devant le cours de choses, aggravée ici par la dimension anti-yankee des récriminations. Zemmour n'est pas isolé, son combat se retrouve, à la virgule près, dans les milieux communistes ou apparentés : la veille alliance antilibérale se reforme sur le dos de la common decency. Le Delaware, désormais symbole du vampire échappant, par rouerie ou complicité, à nos chers impôts, est devenu l'État à abattre. Le contrefeu est voyant. L'actualité commanderait plutôt de regarder ailleurs à qui voudrait se prendre à ce jeu.
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Zemmour sur le "scandale McKinsey" (lien) |
On veut bien que "populiste" ne soit pas une insulte, encore ne faudrait-il pas revendiquer cette posture pour attaquer avec tant de confusion un système qui mérite peut-être de l'être, mais avec raison et scrupules. Le travail des consultants américains (ou payés par des Américains) pourrait être accompli par des hauts fonctionnaires français, dit Zemmour. Dans ce cas, qui suppléerait alors à ces hauts fonctionnaires mandatés pour remplacer McKinsey ? Mieux : le sous-entendu est ravageur, puisqu'il exprime le fait que des agents grassement payés avec nos impôts puissent être réquisitionnés sur demande, ce qui explicite assez bien l'inutilité pour l'État d'en posséder à demeure. Que la force de travail offerte par une entreprise de conseil soit ponctuelle est la raison d'être de ce type de société. Il faut n'avoir jamais travaillé en entreprise pour s'en offusquer.
Les informations sur le paiement de l'impôt par cette société américaine du Delaware sont contradictoires, mais là encore, si l'on se souvient que l'impôt in fine est payé par le client, on ne voit pas les enjeux de cette querelle à somme nulle. Ou plutôt si : en présentant McKinsey comme le nouveau méchant loup (comme Goldman Sachs, comme Rothschild, comme...), on fait retentir dans l'opinion une petite musique à vous glacer les sangs.
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